En tant qu’entité institutionnelle, un bureau de gestion de projets ne saurait se réduire aux activités qu’il accomplit. Comme tout groupe d’individus unis par la poursuite d’une mission commune, il se caractérise par un certain état d’esprit, des valeurs distinctives, une vision du monde particulière. En d’autres termes, une culture à part entière.
Comment définir la culture d’un PMO ? Quels sont ses avantages pour l’organisation ? Comment interagit-elle avec la culture d’entreprise qui rend chaque organisation unique ? Quels sont les défis que le bureau de gestion de projets doit relever pour créer un cadre organisationnel dans lequel une culture de la gestion de projets pourra s’épanouir ? Voici quelques-unes des questions que nous aborderons dans cet article. L’objectif est de vous aider à mieux comprendre les principales caractéristiques du cadre culturel d’un bureau de gestion de projets, à prendre conscience de l’importance pour une organisation de développer et d’entretenir une forte culture PMO, et à déterminer comment le faire.
Dans le contexte d’une entreprise ou d’une organisation, ce terme de « culture » est aussi répandu que difficile à cerner. Le Larousse définit la culture d’entreprise comme « l’ensemble des traditions de structure et de savoir-faire qui assurent un code de comportement implicite et la cohésion à l’intérieur de l’entreprise ». Cet ensemble de comportements et de principes collectifs englobe la manière dont les membres d’un groupe social interagissent et se comportent les uns avec les autres, ainsi qu’avec le monde extérieur ; ce qui est défini comme souhaitable et est donc encouragé, et, à l’inverse, ce qui fait figure d’interdit ; en somme, toute la sphère des croyances, des connaissances, des pratiques et des coutumes qui prévalent dans un groupe donné, le distinguant des autres. De là, nous pouvons extraire les caractéristiques essentielles de la culture d’entreprise.
Dans un contexte d’entreprise, la culture constitue la personnalité d’une organisation ou d’une entité organisationnelle. Une personnalité est unique par définition. Il est important d’être bien conscients de cette réalité. Bien que cet article s’efforce de définir les caractéristiques culturelles du PMO, nous ne devons pas perdre de vue le fait que des définitions et typologies d’ordre général ne sauront jamais parfaitement refléter toute la complexité de la réalité d’un bureau de gestion de projets ou d’une organisation spécifique. D’ailleurs, pour citer Harold Kerzner : « La gestion de projets est une culture plus que des politiques ou des procédures. Par conséquent, il n’est pas toujours possible de comparer une culture de gestion de projets à d’autres. Ce qui fonctionne dans une entreprise peut ne pas fonctionner aussi bien dans une autre » (dans Project Management – Best Practices: Achieving Global Excellence).
La culture est au cœur de la vie d’une organisation. Elle la nourrit et lui permet d’aller de l’avant. Demandez à certains des plus éminents penseurs de la stratégie et de la gestion d’entreprises : Lou Gerstner, ancien PDG d’IBM, nous dit que « la culture est tout », tandis que pour Tony Hsieh, fondateur de Zappos, « la culture et la marque ne sont que les deux faces d’une même médaille ». D’ailleurs, les entreprises ayant une forte culture d’entreprise démontrent une tendance à tirer leur épingle du jeu.
La culture est une construction collective qui doit être partagée pour exister et rester vivante. Pour qu’une culture d’entreprise soit opérante, elle doit être ressentie, vécue et véritablement intégrée par chacun des membres du groupe. En raison de son affinité avec la sphère des croyances, des valeurs voire même des émotions, la culture n’est pas quelque chose que l’on peut imposer par voie hiérarchique, bien qu’elle puisse être façonnée de manière collective au fil du temps.
Caractéristique n°1 de la culture du PMO : la responsabilité
Les bureaux de gestion de projets naissent souvent du besoin ou de la volonté de renforcer la cohérence de la gestion de l’exécution et de la livraison des projets. Le PMO est une fonction bâtie autour de méthodes et de procédures, et est par essence très structuré. Il va développer des indicateurs clés de performance (KPI) standard. Il tend à s’appuyer fortement sur des règles – écrites ou orales – et sur des procédés et méthodes systématisés. Or l’importance accordée par le PMO à la mise en place d’un tel cadre repose sur l’hypothèse sous-jacente que l’organisation doit et va s’y conformer. Que tous les collaborateurs impliqués doivent être rendus responsables des résultats des projets, afin que les pratiques et les méthodes puissent être affinées et améliorées au cours du temps.
En harmonisant les procédés et les modes de travail des différentes équipes et des différents services, en rendant toutes les activités réplicables et mesurables, le bureau de gestion de projets permet de suivre ou de retracer les actions afin de mieux les analyser, les comprendre, en apprendre, et les améliorer. La mise en œuvre de méthodes visant à clarifier les attributions hiérarchiques et la chaîne de décisions vise également à améliorer l’appropriation des responsabilités. Du point de vue du PMO, réellement optimiser l’organisation exige que tous ceux qui interviennent sur la gestion des projets et portefeuilles soient ainsi responsabilisés – des membres de l’équipe du PMO lui-même aux équipes de gestion de projets au sens plus large, en passant par les autres parties prenantes, comme les décideurs.
Lorsqu’il s’applique au PMO lui-même, cet engagement de responsabilité peut même prendre la forme de ce que l’on pourrait décrire comme des impératifs éthiques : en tant qu’organe de surveillance et de contrôle, le PMO a le devoir de faire appliquer les règles de manière impartiale et objective dans toute l’organisation. Il a également la responsabilité d’assurer la qualité et la fiabilité des données qui serviront de base aux décisions stratégiques. Cela nous amène au deuxième pilier de la culture d’un bureau de gestion de projets : la transparence.
Caractéristique n° 2 de la culture du PMO : la transparence
Autre trait essentiel d’un bureau de gestion de projets, son engagement à tout rendre visible. Parce qu’on ne peut pas améliorer ce que l’on ne voit pas clairement, les PMO s’efforcent généralement de renforcer la visibilité sur le travail et les décisions relatifs aux projets. La plupart des PMO vont ainsi s’attacher à regrouper l’ensemble des données liées aux projets au sein d’une plateforme professionnelle de gestion de portefeuilles de projets offrant des fonctionnalités d’analyse afin d’extraire enseignements et connaissances sur la base des données disponibles. Ils s’assureront également que ces informations et connaissances sont bien diffusées au sein de l’entreprise, en permettant aux équipes projets d’accéder à la base de données et en restituant des rapports éclairants aux décideurs. De manière générale, un bureau de gestion de projets s’efforce d’accroître et d’améliorer la communication au sein de l’organisation et favorise le transfert et le partage des connaissances.
Caractéristique n°3 de la culture du PMO : l’harmonie
Son engagement à améliorer la transparence et la communication permet également au PMO de jouer un rôle essentiel dans la constitution d’équipes soudées et l’amélioration du travail d’équipe. Parce qu’il coordonne le travail de diverses équipes projets à l’échelle de l’organisation, un PMO est une entité fondamentalement relationnelle. Il peut faciliter les relations et les interactions entre divers groupes, s’assurer que tout le monde parle la même langue, dissiper d’éventuels malentendus et améliorer la collaboration globale grâce à la mise en place d’outils dédiés ou de nouvelles pratiques de travail.
Le PMO va également accompagner la montée en maturité des collaborateurs et des autres parties prenantes par le biais de programmes d’apprentissage institutionnel et de développement des compétences, et entretenir leur implication et leur motivation à atteindre les buts collectifs et les objectifs de l’organisation.
Caractéristique n° 4 de la culture du PMO : le pragmatisme
Les bureaux de gestion de projets sont apparus pour répondre au besoin de gérer les contraintes liées aux projets (budget, calendrier, périmètre) et de résoudre les problèmes susceptibles d’entraver ces derniers. Les entreprises mettent généralement en place un PMO afin de relever un certain nombre de défis. On pourrait même aller jusqu’à dire que, dans un environnement organisationnel parfait, dans un monde parfait, les PMO seraient probablement superflus. Les PMO existent pour affronter et résoudre les problèmes que les chefs de projet peuvent rencontrer au quotidien – et notamment les écueils inattendus ou imprévisibles – afin de s’assurer que l’organisation obtienne des résultats satisfaisants, quoi qu’il arrive. En conséquence, les PMO se distinguent par une aptitude à faire face aux risques, aux menaces et aux problèmes, avec une approche pragmatique et réaliste et un attachement aux résultats.
Les caractéristiques culturelles du PMO telles que décrites ci-dessus forment le socle de l’identité et de l’ethos de cette fonction. Ils ont façonné le développement des bureaux de gestion de projets tels que nous les connaissons aujourd’hui. Toutefois, la culture du PMO a récemment évolué et s’est élargie pour incorporer la facilitation du changement. Dans un monde marqué par des évolutions de plus en plus rapides, où l’anormal est devenu la norme, de plus en plus de PMO tirent parti de leur position centrale au sein de leur organisation et de leur rôle transversal pour se faire champions et facilitateurs de l’adaptation organisationnelle.
Cela peut commencer par l’adoption de nouvelles méthodologies de gestion de projets, s’écartant de l’approche traditionnelle, très encadrée, qu’incarne notamment la méthode de gestion en cascade pour adopter un cadre Agile qui privilégie la réactivité à la certitude et l’action à la planification. Plus largement, les bureaux de gestion de projets s’avèrent inestimables pour aider leurs entreprises à adopter de nouvelles méthodes de travail : ils vont par exemple déployer de nouveaux outils et technologies, développer de nouvelles pratiques collaboratives ou de nouvelles approches à l’analyse de la valeur client. En période d’incertitude économique exacerbée (cela vous dit quelque chose ?), les éclairages apportés par le PMO seront extrêmement utiles pour aider l’organisation à se repositionner et à s’adapter à de nouveaux défis – ce qui peut nécessiter d’infléchir jusqu’à sa vision et sa mission.
Ce nouveau rôle de facilitation du changement rend la nature de l’activité du bureau de gestion des projets plus stratégique et renforce ses liens avec la haute direction. Il a également introduit davantage de flexibilité et d’adaptabilité dans la culture des PMO modernes, contrebalançant bien la dimension assez « carrée » des professionnels de la gestion de projets traditionnelle.
Comment évaluer la culture de votre bureau de gestion de projets ou de votre organisation ?
Bien que la culture d’entreprise soit en constante évolution, il est possible d’en prendre un instantané à un instant T, en se basant sur des évaluations, des observations, et le recueil de retours d’expérience. Si vous disposez de suffisamment de temps et de ressources, vous pouvez par exemple mener des enquêtes d’opinion auprès des employés pour recueillir les commentaires et impressions de ces individus qui travaillent quotidiennement dans votre cadre culturel et sont imprégnés de la culture de votre organisation. Ou, de manière plus informelle, vous pouvez poser à un échantillon représentatif de salariés des questions telles que « Décrivez l’organisation en trois mots ».
Il peut également être intéressant d’observer le comportement de l’organisation et de ses membres dans des situations spécifiques. Par exemple, l’analyse du processus d’intégration des nouveaux arrivants, des raisons pour lesquelles les collaborateurs sont promus et gravissent les échelons de la hiérarchie, de ce qui est mal vu ou même puni, peut aider à mettre en lumière des aspects importants de votre culture organisationnelle.
Une étude de Business Improvement Architect révèle que 60% des bureaux de gestion de projets estiment que la culture de leur organisation ne leur est pas propice. Il est d’ailleurs assez fréquent de voir des PMO confrontés à des résistances comportementales et culturelles au sein de leur organisation. C’est particulièrement vrai dans les entreprises à faible maturité, où la naturelle crainte humaine face au changement est exacerbée par une incompréhension plus fondamentale de la nature et des objectifs de la gestion de portefeuilles de projets. L’approche systématique à la gestion du bureau de gestion des projets et ses méthodologies standard peuvent être perçues comme inutilement pesantes – en particulier si la culture de l’entreprise n’est pas aussi structurée que celle du PMO. Certains collaborateurs vont même jusqu’à se dire « traumatisés » par des expériences antérieures négatives avec les méthodes et règles de gestion de portefeuille de projets.
En conséquence de quoi le bureau de gestion des projets se trouve entravé dans l’accomplissement de sa mission. Un fossé culturel trop marqué entre un PMO et son organisation va nuire à la circulation de l’information, générer des malentendus, et instaurer un climat d’inefficacité qui pèsera sur la capacité de l’entreprise à mener à bien ses projets. Il est essentiel d’aplanir de tels chocs culturels et de rapprocher la culture du PMO et celle de l’organisation pour gérer efficacement les projets et programmes. Pour un PMO, il est tout aussi important d’encourager le développement d’un cadre culturel propice dans l’ensemble de l’organisation que de veiller à ce que les projets soient correctement gérés. C’est pourquoi il est essentiel pour un bureau de gestion de projets de s’assurer que sa culture déteint sur le reste de l’entreprise, ne serait-ce que partiellement.
Instiller et développer une forte culture de la gestion de projets exige d’instaurer un état d’esprit propice dans toute l’organisation. Et le changement des mentalités passe nécessairement par l’éducation et la formation, tant pour les employés que pour les dirigeants.
Montrer la valeur créée
C’est un fait : tout le monde ne comprend pas la valeur des disciplines et activités de gestion de portefeuilles de projets. Pour la rendre apparente, vous pourrez être amené à définir et expliquer ce qu’est la gestion de projets, ce qu’est la gestion de portefeuilles, et ce qu’est la réalisation de la stratégie par le biais des projets ; ce qui est en jeu, quels sont les avantages et les bénéfices ; comment les différentes stratégies et méthodologies mises en œuvre et favorisées par le bureau de gestion de projets contribuent aux objectifs de l’entreprise. Par le biais de sessions et de programmes de formation, de supports de communication ou d’échanges plus informels avec les collaborateurs, les responsables du PMO peuvent sensibiliser les employés et les aider à comprendre que le portefeuille de projets représente le fer de lance de la stratégie de l’entreprise. Une fois conscients et convaincus de la valeur que la gestion de portefeuilles de projets apporte à la stratégie globale de l’organisation, ils seront beaucoup plus enclins à adopter les valeurs et l’état d’esprit du bureau de gestion de projets.
Tout changement culturel doit partir du sommet
Diffuser efficacement cette culture de la gestion de projets dans l’ensemble de l’organisation et faire évoluer la perception qu’a l’entreprise du travail sur les projets exige une prise de conscience collective, à tous les niveaux. En commençant par la direction. Les PMO doivent s’assurer de bénéficier du soutien des dirigeants. Comment ? Là encore, en leur faisant comprendre la valeur des activités de gestion de portefeuilles de projets pour l’organisation. Il peut être judicieux de s’appuyer sur des chiffres et des indicateurs financiers pour convaincre ces décideurs clés de la valeur de votre PMO. L’adhésion des hauts dirigeants sera d’une aide inappréciable, car ils pourront intervenir en tant que relais d’opinion pour aider à diffuser une culture positive de la gestion de projets. Une culture dans laquelle les projets sont inclus dans la planification stratégique et contribuent activement à la réalisation de la stratégie et des objectifs de l’entreprise. Une culture dans laquelle le bureau de gestion de projets et son activité bénéficient de toute l’attention et de tout le soutien des hauts dirigeants.
Un environnement culturel favorable et propice est indispensable pour permettre à un bureau de gestion de projets de s’acquitter de ses missions. Bien que les PMO se trouvent en difficulté en cas de décalage culturel avec leur organisation, il est possible de promouvoir et de diffuser une culture de la gestion de projets dans l’ensemble de l’entreprise en démontrant la valeur du PMO.
Les changements culturels ne se produisent pas du jour au lendemain, et c’est bien naturel. Armez-vous de patience, le voyage s’annonce long ! Plus l’entreprise est grande, plus le processus peut prendre de temps.
En synthèse
- La culture organisationnelle est l’âme même d’une entreprise ou d’une entité organisationnelle.
- La culture du PMO s’articule autour des concepts de responsabilité, de transparence, d’harmonie, de pragmatisme et, de plus en plus, de facilitation du changement et d’agilité.
- De nombreux bureaux de gestion de projets souffrent d’un décalage entre leur culture et la mentalité de l’organisation.
- Un travail d’éducation est nécessaire pour combler ce fossé culturel, en commençant par le sommet de la hiérarchie.
Pour plus d’informations sur le rôle et la culture du PMO, nous vous invitons à consulter :
- 7 Défis à relever pour le PMO
- Révélez la valeur de votre PMO à votre organisation
- Le Rôle du PMO dans la Gestion de Portefeuilles de Projets
Benoît Boitard
Benoît has multiple professional experiences, working in particular as a digital strategy consultant, both in emerging start-ups and in large companies. These diverse experiences have imbued him with a global vision of project management in traditional and agile working environments.